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DÉMARCHE ARTISTIQUE 

    Il y a quelque chose de mystérieux dans les pratiques artistiques… Rien d’étonnant puisque tout étonne dès lors qu’on sort des préoccupations ordinaires. La profusion des objets, des images, des outils et des traces participe de l’absurde  génial que l’on pressent et que d’aucuns se sont appliqués à commenter. Une aspiration sublime advient en permanence, comme une constante physique figée dans le présent : l’aspiration à la beauté et parfois sa recherche dans la laideur même, faute de mieux. 

    A l’inverse de la sublimité (la fascination des «romantiques» pour les paysages ou quelques rares chefs d’œuvre de l’Art etc. Je pense à Caspar David Friedrich), la beauté reste à notre portée, on peut l’inventer parfois et s’en saisir… Agir pour qu’elle advienne dans le dos de la nature est une autre affaire! Ses exigences sont peu arrangeantes. La beauté ruisselle à l’infini, d’autant qu’elle ne met pas tout le monde d’accord. Les gestes, les mots, les apprentissages, les volontés qui travaillent à son apparition sont autant de moments laborieux et jubilatoires, souvent, aussi, moments empreints de doutes. Nos émerveillements sont rares et précieux, au contraire de nos conditionnements. 

Je vise, par mes manières, la manifestation de cette beauté… beauté manifeste, beauté précaire, le tout autrement de ce que la nature suggère déjà d’indiscutable.

    Les pratiques artistiques sont sans équivalent de liberté. L’imaginaire est sans fin, pour autant un carcan idéologique freine nos sens, le laid rédhibitoire fait école, les institutions galvaudent nos âmes, nos sens, et nos entendements. Le cynisme opère au grand jour. En la matière, l’espoir consisterait plutôt à apprivoiser l’infiniment Beau parce que la beauté peut être brute sans être brutale, elle peut vous enivrer comme vous plonger dans un rêve lucide, un sommeil par renoncement à autre chose qu’elle même.

    «La beauté, ce n’est pas autre chose que l’infini contenu dans un contour», c’est un extrait de Post-scriptum de ma vie, de Victor Hugo publié en 1901. Au contour du bel objet, Hugo introduit l’idée d’infini, infini des imaginaires, infinité des contours eux-mêmes dans leur diversité: les objets d’art dans leur incroyable renouvellement. C’est à notre intelligence sensible que s’adressent ces infinis poétiques, à défaut d’être définitivement accouchés par les mathématiques. Comprenne qui pourra les fulgurances de l’Art et l’engouement esthétique qui nous remplit. La beauté, en résistant à la laideur résiste à la barbarie, du moins quand elle n’est pas récupérée…

    Le Bassin de lumière fait de dessins, de maquettes, de procédés informatiques et industriels, surgit. Il est à la fois étranger au monde comme forme unique, et englouti dans ce même monde d’où il provient! Contribue-t-il au désordre institué, ou participe-t-il de la beauté? Est-il apport au goût, ou piège consumériste à la mode? A-t-il à voir avec ce qui est bon, juste et vrai, ou n’est-il qu’un objet muet? C’est le questionnement d’un profane qui confine au spirituel. Mon espoir consiste en ma capacité à poursuivre ce travail fait de tensions énergivores, autant de moments nourris de perplexités et qui  oscillent entre la fragile volonté de créer, et l’abandon.

J-P Paillet pour le Château de BOSC (Essai du 4 janvier 2019) 

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